Le 23 janvier 2017 par Stéphanie Senet

L’île accumule les records de sécheresse

Le retard de la saison des pluies provoque une sécheresse historique, qui prive d’eau potable près d’un tiers de la population du dernier département français.

Les Mahorais du Sud attendent la saison des pluies avec impatience. Portée en général par la mousson dès le mois d’octobre, elle accuse cette année un retard exceptionnel. Résultat: 8 communes sont privées d’eau potable deux jours sur trois afin de préserver la ressource. 63.000 habitants, soit 30% de la population mahoraise (officielle), sont donc rationnés depuis la fin de l’année passée.

Si les premières restrictions sont apparues en novembre, il est désormais partout interdit de laver les véhicules, camions, engins de chantier, bateaux de plaisance et trottoirs. Les Mahorais, propriétaires d’hôtels et de centres de vacances compris, sont également priés de ne plus remplir leurs piscines, ni de fabriquer du béton. L’arrosage des jardins potagers est proscrit entre 18 heures et minuit. Les agriculteurs et les industriels doivent également réduire leur consommation.

«Si l’on maintient le rythme actuel de consommation, la retenue collinaire de Combani, qui alimente la majorité du sud de l’île, sera bientôt vide», justifie la préfecture. «Les résultats de ces restrictions risquent de ne pas être suffisants pour faire tenir la retenue», met en garde Jean-Michel Renon, directeur de la Société mahoraise des eaux (SMAE). Par crainte du manque, les insulaires font de grandes réserves. Ce qui vide un peu plus la retenue collinaire… et enrichit les distributeurs d’eau en bouteille.

Record de sécheresse

Selon le bilan de décembre effectué par Météo France, la pluviométrie était largement déficitaire sur la majeure partie du territoire.Les précipitations ont été inférieures de 25 à 50% pendant la saison sèche (de mai à novembre) et de 33 à 75% depuis le 1er novembre.

Avec une température moyenne supérieure de 0,9°C par rapport à la normale, le mois de novembre 2016 était le 5e mois le plus chaud depuis le début des mesures, en 1953, selon l’antenne mahoraise de Météo France. Le mois de décembre était même le plus chaud jamais enregistré, selon Bertrand Laviec, son délégué général. Un record de sécheresse a d’ailleurs été battu à Vahibé, l’un des 6 villages de la capitale Mamoudzou, depuis l’enregistrement des données en 2004. Et le bulletin de Météo France ne prévoit toujours pas de précipitations d’ici au 19 février!

« Contrairement à l’an dernier, où la sécheresse était due à El Nino, cette fois-ci elle vient du rapprochement des températures d’eau de mer enregistrées au large de l’Australie et dans le canal du Mozambique », explique Bertrand Laviec. « C’est pourquoi tout l’océan indien est touché, avec des inondations en Australie et une sécheresse à Mayotte et à Madagascar », poursuit-il.

Déforestation croissante

«Depuis 2015, la saison des pluies arrive en retard. Mais c’est la première année que nous n’avons toujours pas de précipitations en janvier», explique au JDLE Houlam Chamssidine, président de Mayotte Nature Environnement (MNE). «Il faut ajouter l’impact de la déforestation, qui est défavorable au drainage des nappes phréatiques. A Mayotte, on perd environ 30 hectares de forêt chaque année, principalement à cause de la plantation de bananes mais aussi à cause des feux de brousse. Ceux-ci se développement fortement depuis 4-5 ans avec l’essor des sans-papiers, qui sont contraints de vivre cachés», poursuit-il.

Consommation opaque

Avec une densité vertigineuse de 600 habitants au kilomètre carré[1], la population mahoraise continue sa progression. Sa consommation d’eau est évaluée, à la louche, à 100 litres d’eau par habitant et par jour. «En fait, on connaît mal son étendue réelle», note Houlam Chamssidine.

Interconnexion et retenue

Ce que l’on sait en revanche, c’est que les ouvrages hydrauliques ne font l’objet d’aucune rénovation. «Ils ont été construits avant 2006 et offerts gracieusement à la Société mahoraise des eaux mais depuis, aucune solution technique n’a été mise en œuvre», déplore le président de MNE.

Plusieurs pistes ont pourtant été dégagées, comme l’interconnexion des deux retenues collinaires de Dzoumogné et de Combani, pour maintenir cette dernière à un niveau plus haut. Autre solution: créer une retenue d’eau dans le centre de l’île. «Un projet qui date de 2006 et qui devait permettre de stocker de 3 à 5 millions de mètres cubes dès 2020», se souvient le représentant associatif. L’obstacle est avant tout foncier. 30 des 50 hectares concernés appartiennent à la famille de l’ancien président du conseil départemental Younoussa Bamana, qui exige une compensation foncière.

Pour l’heure, une nouvelle réunion du comité de suivi est prévue le 25 janvier. Il y a fort à parier que les restrictions d’eau soient prolongées.

Les ressources superficielles proviennent des eaux de surface des rivières et des retenues collinaires de Combani (1,5 Mm3) et de Dzoumogné (2 Mm3). Elles représentent 80% des ressources de la production et sont prélevées par 14 captages répartis sur le territoire. Les rivières pérennes de Mayotte ont un régime hydrologique marqué par deux saisons très distinctes: la saison sèche (de juin à décembre) se traduit par des écoulements très faibles et la saison des pluies (de janvier à mars) par des écoulements abondants, principalement après les épisodes pluvieux. Mayotte s’est dotée de deux retenues collinaires exclusivement utilisées pour les besoins en eau potable.

Les ressources profondes proviennent de forages et représentent 18% des ressources de la production. L’unité de dessalement, située à Pamandzi, représente 2% des ressources de la production d’eau potable. Elle a été mise en service en novembre 1997 et utilise une technique membranaire appelée osmose inverse, qui permet de dessaler l’eau de mer.

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